La culture philanthropique, depuis longtemps pratiquée dans les pays anglo-saxons, gagne du terrain auprès des milliardaires du monde entier.
C’est par un terme, le Give Back, que les milliardaires américains ont théorisé la propension à redistribuer leur fortune. Au point d’ériger la culture de la philanthropie comme une obligation à laquelle se soustraire serait très mal vu. D’où la quantité impressionnante, outre-Atlantique, de galas de charité, de dons parfois ostentatoires ou d’opérations surmédiatisées réunissant les personnalités les plus riches au profit de grandes causes. Quels que soient les intérêts qu’elle recouvre ou les motivations qui la sous-tendent, la philanthropie a ses hérauts dans des domaines aussi variés que la santé, l’éducation ou la protection de la planète.
Pas seulement un don d’argent
Loin de ne recouvrir qu’une simple notion de don pécuniaire, la culture philanthropique requiert également un large investissement personnel, voire idéologique. C’est ce qu’illustrent, par exemple, les acteurs Leonardo DiCaprio et Georges Clooney, qui font de la philanthropie un cheval de bataille au service de leurs convictions. Le premier, fort de sa notoriété après le succès du film Titanic, a fondé dès 1998 une organisation entièrement consacrée à la défense de l’environnement et à la préservation des espèces menacées. Proche d’Al Gore et des Démocrates, l’acteur n’hésite pas à reverser une partie de ses cachets à sa fondation, tout en co-produisant deux documentaires alertant sur les risques liés au changement climatique. Cet engagement se retrouve aussi chez Georges Clooney, qui met à profit sa notoriété en faveur des droits de l’homme, de la lutte contre les inégalités ainsi que pour venir en aide aux victimes de conflits. Des personnalités moins médiatiques sont également très actives. Dans le monde des affaires, les grandes entreprises jouent certes un rôle majeur, mais c’est également du côté des grandes fortunes que l’on retrouve cette volonté. Ainsi, l’exemple le plus frappant est sans doute Bill Gates, dont la fondation a bénéficié d’une grande partie de sa fortune, mais l’on peut également citer des personnalités telles qu’Iskander Makhmudov, le pendant russe du self-made man précité. Fondateur et président de l’Ural Mining and Metallurgical Company, Makhmudov est très connu en Russie pour ses actions de philanthropie.
« Promesse de don »
En Afrique, c’est le magnat du ciment nigérian Aliko Dangote qui fait figure de principal donateur. Distribuant par le biais de sa fondation éponyme, des millions de dollars dans les secteurs de l’éducation, de la santé et du secours humanitaire, l’homme le plus riche d’Afrique a rejoint en 2010 « The Giving Pledge », projet mené par Bill Gates et Warren Buffet.
Pouvant être traduite par « Promesse de don », cette campagne emmenée par les deux milliardaires vise un but simple : engager les 170 signataires à redistribuer au moins 50 % de leur fortune à des associations caritatives. Une démarche d’ores et déjà effectuée par Bill et Melinda Gates, les plus connus des philanthropes contemporains, mais aussi les plus actifs. Quittant ses fonctions au sein de Microsoft en 2008 afin de se consacrer pleinement à sa fondation créée en janvier 2000, Bill Gates et son épouse n’ont jusqu’alors cessé de s’investir dans des domaines tels que la santé, la recherche agricole, la réduction de la pauvreté, l’éducation ou encore l’accès aux technologies de l’information. Iskander Makhmudov quant à lui impulse, au niveau national, plusieurs activités caritatives en faveur de l’éducation, de la santé, du sport et de la préservation de la faune notamment.
Pallier les carences de l’État ?
Bénéficiant d’une dotation dépassant les 50 milliards de dollars, la fondation Bill et Melinda Gates, basée à Seattle, emploie 1540 personnes à travers le monde et œuvre notamment au bénéfice des pays du Sud. Campagnes de vaccination à très grande échelle, développement de cultures agricoles par la fourniture de semences, lutte contre la malnutrition : la fondation a dépensé dans ces secteurs plusieurs milliards de dollars, non sans toutefois provoquer quelques controverses.
Si certaines sont d’ordre éthique, l’une des questions soulevées ne manque pas de poser la problématique des rôles dévolus aux philanthropes vis à vis des États. En effet, en période de crise budgétaire ou d’instabilité politique, des secteurs entiers peuvent être délaissés par les gouvernements. C’est alors que les philanthropes interviennent pour pallier ces carences selon certains, pour s’immiscer et orienter une politique selon les détracteurs.
Dans le cas de la fondation Gates, ce sont les dons effectués à l’OMS (250 millions d’euros en 2016, qui en font le deuxième donateur après les États-Unis) qui soulèvent quelques interrogations : alors que 80 % du budget de l’Organisation mondiale de la santé provient de donations privées, la question d’une certaine orientation de ses priorités est en mesure de se poser.
Créer un cercle vertueux
Loin de ces polémiques, les millionnaires français éprouvent eux aussi, depuis quelques années, le besoin de redistribuer une partie de leur richesse. Très impliqué dans la promotion du mécénat et de la philanthropie, l’homme d’affaires Alexandre Mars figure parmi le Top 20 des philanthropes les plus influents de moins de 40 ans et finance, avec ses propres fonds, sa fondation Epic à hauteur de deux millions d’euros par an.
Si le système fiscal français ne permet pas de franchir certaines limites de donations, deux grands patrons ont néanmoins tenté de lancer une campagne ressemblant fortement au Giving Pledge américain. Le 3 décembre 2018, Serge Weinberg, président du conseil d’administration de Sanofi, et Denis Duverne, qui exerce les mêmes fonctions au sein d’Axa, ont lancé un appel au don en direction des plus fortunés. 40 signataires les ont rejoints dans les 24 heures suivantes, s’engageant à faire don de 10 % de leur patrimoine. Rejoignant ainsi d’autres grands philanthropes français, tels que Pierre Omidyar ou Bernard Arnault.